Un point sur notre mobilité
L'avion est-il problématique ?

Transports et effet sur le climat

Nos déplacements ainsi que le déplacement de nos biens de consommation représentent environ un tiers de nos émissions de gaz à effet de serre selon les chiffres de l’ADEME.

En 2019, les transports nationaux représentaient 30,8% des émissions de gaz à effet de serre du territoire français. Si on ajoute les émissions liées aux transports internationaux, cette part augmente et passe à 34,5%.

Cela représente entre 136 et 160 millions de tonnes équivalent COémises par nos transports. Si nous divisons par les 67 millions d’habitants que nous étions en 2019, cela représente entre 2,0 et 2,4 tonnes par habitant.

Sachant qu’à l’époque, l’émission moyenne d’une voiture particulière était de 122 g de CO2 par kilomètre. C’est donc comme si les 67 millions de français, de 0 à 120 ans, parcouraient chacun 18.000 km par an seul dans une voiture.

Pourtant les accords de Paris, signés par la France en 2015, prévoient que l’émission individuelle totale annuelle d’un français soit inférieure à 2,1 tonnes en 2050, soit la valeur déjà atteinte uniquement avec nos déplacements en 2019.

Transports de 1800 à aujourd’hui


Source des données : ADEME et thèse d’Aurélien Bigo intitulée « Les transports face au défi de la transition énergétique. Explorations entre passé et avenir, technologie et sobriété, accélération et ralentissement. » (Figure 71 – p.184)

L’infographie ci-dessus montre que de 1800 à environ 1920, la distance moyenne parcourue quotidiennement par un français était de l’ordre de 5 à 7 km, essentiellement à pied.

Ensuite, au sortir de la seconde guerre mondiale, on constate une explosion de la distance parcourue. La généralisation de la voiture individuelle fait grimper cette distance à 40 km journalier. Puis l’avion, et sa démocratisation, poursuit cette progression qui conduit à environ 50 km par jour soit environ 18.000 km par an.

Origine de cette augmentation

Les études sociologiques montrent qu’il existe un seuil psychologique d’acceptabilité du temps consacré à son déplacement pour rejoindre son lieu de travail qui est d’environ 40 minutes. A pied, cela représente une distance de 2,7 km soit 5,4 km aller-retour. On retrouve à-peu-près la valeur observée sur le graphique avant 1920.

Avec l’arrivée de moyens de déplacement plus rapide, comme la voiture, cette distance augmente mécaniquement. Les habitants peuvent ainsi habiter plus loin de leur lieu de travail sans modifier leur temps consacré à se déplacer.

Sur le Grand Besançon Métropole, lors de l’annonce du projet de construction de la voie des Mercureaux, le prix de l’immobilier a augmenté sur le premier plateau. De nouvelles communes allaient être situées à moins de 40 minutes de Besançon…

Par conséquent, le critère pertinent pour comprendre notre comportement par rapport aux déplacements n’est pas la distance, mais la durée de déplacement.

Mode de déplacement et impact climatique

La plupart du temps, l’impact de nos déplacements est abordé sous l’angle du coût « climatique » par kilomètre parcouru en fonction du mode de déplacement.

N.B. : La notion de voyageur.km est une approche qui prend en compte le taux de remplissage moyen d’un véhicule. Ce taux vaut en moyenne 1,5 pour les voitures particulières.

Prenons un exemple : Si une voiture parcourt 100 km avec à son bord une personne seule, alors le trajet sera comptabilisé 100 voyageur.km. Si la voiture contient 2 voyageurs, alors le trajet sera comptabilisé 200 voyageur.km car on multiplie la distance par le nombre de voyageurs.

Par conséquent, si le véhicule a émis 12 kg de CO2 pour ce trajet, dans le premier cas, l’émission vaut 120 gCO2/voyageur.km et dans le second cas, l’émission vaut 60 gCO2/voyageur.km (effet positif du covoiturage).


Si on analyse le graphique ci-dessus :

Sans surprise, avec la production électrique « bas carbone » de la France, le transport ferroviaire, en France, est particulièrement bas en émission de CO2 et il reste donc le moyen de transport le moins impactant sur le climat, toujours en France.

On constate également que les véhicules qui fonctionnent avec des carburants fossiles (bus/car, voiture, avion) ont une émission plus faible par voyageur.km lorsque la longueur des trajets augmente. Plusieurs effets peuvent se cumuler. Pour les parcours urbain à courte distance, la multiplication des arrêts et redémarrages par rapport à une circulation à vitesse constante contribue à augmenter la consommation et par conséquent la quantité de CO2 émis par kilomètre. Concernant les voitures, les trajets longues distances font plus souvent l’objet de covoiturage (déplacements familiaux…) contribuant ainsi à réduire leur émission. Pour les avions, le décollage représente une grande partie du carburant consommé. De ce fait, plus le trajet est court, plus le décollage pénalise la consommation.
Ce qui peut frapper, c’est la différence minime entre la voiture et l’avion. On pourrait donc en conclure que les déplacements en avion ne sont pas un problème.

Cependant, cette observation n’est justifiée qu’à la condition que les trajets comparés aient la même distance. Cette comparaison ne s’applique donc qu'à des trajets en avion envisageables également en voiture.

Prenons un trajet Paris - Pau de 793 km en voiture. Avec une personne seule, une voiture moyenne émet 96,7 kg de CO2 pour un trajet qui prend 8h05.

Pour le même trajet, Air France annonce une émission de 90 kg de CO2 par passager (si l’avion est plein) pour un temps de trajet de 1h25.

Sur ce type de trajet et pour une personne qui voyagerait seule, l’avion n’est donc pas si problématique que cela.

Où est le problème avec l’avion ?

Pour comprendre le problème, il faut revenir à notre façon d’arbitrer nos choix de déplacement. Que ce soit pour rejoindre notre lieu de travail ou notre lieu de vacances, la décision est avant tout une question de temps à consacrer au déplacement. On a déjà évoqué les 40 minutes pour le premier cas. Pour les vacances, le temps de trajet est rarement supérieur à une journée.


Lorsqu’on regarde les émissions à l’heure de déplacement, on constate que l’avion est plus que 10 fois plus émetteur de CO2. La situation n’est plus du tout la même.

Prenons un exemple :

Un habitant de Tavaux qui déciderait de voyager 2h15, en avion il peut se rendre à Porto (Portugal). Ce trajet émet 115 kg de CO2 par passager environ (1300 km en classe éco). En voiture, il peut se rendre à Lausanne. Cette fois son émission de CO2 vaut 20 kg environ  (161 km) s’il est seul dans une voiture moyenne, soit 6 fois moins. S’il part en couple, son émission n’est plus que de 10 kg par personne et de seulement 5 kg si le couple part avec 2 enfants. On constate que le même temps de trajet est entre 6 et 24 fois moins émetteur en voiture qu’en avion.

Épilogue

Lorsque l’on parle de trajet domicile-travail, la question qui se pose est celle du choix du lieu de vie. Les choix les plus vertueux sont identifiables assez facilement : le trajet est le plus court possible ou le lieux de vie est desservi par les transports en commun (bus ou train). Si les contraintes de chacun ne permettent pas de faire ce choix, le recours à la voiture peut se faire dans le cadre du co-voiturage pour réduire l’impact de chaque passager.

La question des vacances est différente par le seul fait que ce n’est pas un trajet quotidien. Une enquête de la fondation Jean Jaurès indique :

« Si 11% seulement des Français disent prendre régulièrement l’avion (2% plusieurs fois par mois, 9% plusieurs fois par an), 56% le prennent occasionnellement (21% une à deux fois par an, 35% de façon exceptionnelle), tandis que 33% ne le prennent jamais. »

Les deux tiers des français sont donc concernés par les déplacements en avion, ce n’est pas anecdotique.

Comment expliquer un tel succès de l’avion ?

En premier lieu, hors déplacement professionnel, la distance parcourue contribue au dépaysement recherché. Ce point doit amener chacun à s’interroger sur son rapport à la découverte du monde et des autres. C’est une question individuelle à laquelle chacun apportera sa réponse.

Un deuxième point interroge, celui du prix. Avec l’avènement des compagnies Low Cost, les prix pratiqués sont parfois extrêmement bas. A titre d’exemple, l’aller-retour Dole-Porto est disponible selon la période de l’année entre 47 € et 102 € (hors période du 15/12 au 4/01 où les prix flambent jusqu’à 352 €). En comparaison, le prix est de 226 € en bus et 364 € en train.

Cette différence de prix a plusieurs origines :

Première raison : le kérosène utilisé par les avions n’est pas taxé contrairement à l’essence et l’électricité.

Deuxième raison : le coût des infrastructures (aéroport) devrait être financé par la taxe d’aéroport. Or les compagnies Low Cost choisissent souvent des petits aéroports pour réduire ce coût et négocient des taxes réduites en contre-partie d’un développement supposé du territoire ainsi desservi.

A titre d’exemple, depuis 2015, l’aéroport de Dole-Tavaux, propriété du Département, a reçu 23,56 millions d’euros d’argent public du Département du Jura, la Région a également contribué, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Depuis août 2025, la métropole du Grand Dijon contribue également à hauteur de 150.000 € par an.

On peut légitiment s’interroger sur ces contributions. Doit-on financer le plus impactant des modes de déplacement et plus encore le soutenir au point d’aboutir à une concurrence déloyale vis-vis des autres moyens de déplacement ?

Article publié sous Licence Creative Common

CC-BY-NC-SA - Christophe RAVEL - décembre 2025


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