En 1644, René DESCARTES écrit dans Les Principes de la philosophie : « Dubito, ergo sum », soit « Je doute, donc je suis ». Il s’inscrit ainsi dans la recherche de la vérité à travers un dialogue philosophique.
Quel rapport avec le changement climatique ?
Nous sommes les héritiers du siècle des Lumières incarné par Descartes faisant de nous des cartésiens. Or le doute apparaît comme une éthique de la pensée, ne pas admettre d’emblée les évidences, c’est penser contre soi-même.
Il n’est donc pas surprenant que l’idée d’un changement climatique dont nous serions la cause suscite une résistance chez chacun d’entre nous.
Où nous conduit le doute ?
Le doute déstabilise, il nous plonge dans un inconfort qui peut être vertigineux. Tout au long de notre existence, notre cerveau apprend à nous sortir de ces situations. Il faut trouver des réponses qui rétablissent la sécurité offerte par les certitudes.
Comment se construisent les certitudes ?
Avec un discours convergeant vers une réponse unique et partagée.
Mais partagée par qui ? C’est là que les chemins peuvent se séparer.
Les cartésiens se tourneront vers la démarche scientifique basée sur la controverse. Controverse dont on sort en confrontant des faits aux hypothèses de raisonnement. Ce chemin est aride, laborieux et pas forcément satisfaisant car il n’aboutit pas toujours à une réponse claire.
Les mythes sont également des chemins qui apportent des réponses. « L’une des fonctions du mythe est en effet d’aider les hommes à comprendre le monde et à expliquer les phénomènes naturels. Même s’il est évident que les hommes de l’Antiquité ne croyaient pas à toutes les histoires qu’ils racontaient, l’interprétation poétique de phénomènes naturels comme les tempêtes par exemple, leur permettait de les apprivoiser. Lorsque l’orage gronde, c’est la colère de Zeus qui se manifeste ! » (Little io, Joséphine Barbereau).
Dans nos sociétés modernes, les réseaux sociaux permettent de créer artificiellement ce qu’on appelle une bulle cognitive, c’est-à-dire une situation dans laquelle chacun se voit orienté vers des contenus qui le confortent dans sa pensée. Notre cerveau est friand de cette situation, on appelle cela le biais de confirmation, car cela nous rassure et contribue à notre bien-être.
Reprenons notre route
Il est donc légitime de douter du fait que l’homme soit à l’origine du dérèglement climatique. Le cartésien se demandera donc s’il existe une preuve de cette affirmation à qui nous donnerons le statut d’hypothèse n°1.
La controverse fait émerger une autre hypothèse : l’existence d’une cause extérieure. C’est l’activité du Soleil qui s’accroit. Cette hypothèse n°2 propose que ce serait le rayonnement du Soleil plus intense qui réchaufferait notre planète.
Nous avons maintenant besoin d’aborder le fonctionnement de l’atmosphère de notre planète. Pour cela, partons sur la Lune, planète sans atmosphère, la température à sa surface est en moyenne de -23°C (maximum : +123°C le jour et minimum : -233°C la nuit) ; chiffres de l’agence spatiale canadienne. Si l’on regarde maintenant la Terre, située en moyenne à la même distance du Soleil que la Lune, on mesure à sa surface une température moyenne de 15°C (maximum : +70,7°C dans le désert et minimum : -89,2°C à Vostok) ; chiffres NASA.
Constat : La présence de l’atmosphère est à l’origine d’une température en moyenne plus élevée et réduit également l’amplitude maximale (356°C sur la Lune contre 156°C sur la Terre).
Conclusion : L’atmosphère contribue donc à adoucir la température sur Terre.
Effet de serre
Les gaz du même nom, dont le plus abondant dans l’atmosphère terrestre est l’eau, piègent, dans la partie basse de l’atmosphère (troposphère) une partie de l’énergie lumineuse provenant du Soleil.
Les couches de l’atmosphère sont normalement en équilibre thermique. C’est-à-dire qu’elles reçoivent autant d’énergie qu’elles en perdent.
Pour mieux comprendre ce bilan d’énergie, prenons une analogie :
La vasque se remplit par un écoulement d’eau et se vide par débordement.
Dans cette analogie, l’eau joue le rôle de l’énergie lumineuse et la vasque joue le rôle de l’atmosphère.
Si le débit d’eau de remplissage est plus grand que le débit d’eau de vidange, alors le niveau d’eau monte (il fait plus chaud) dans le cas contraire, le niveau d’eau descend (il fait plus froid). Lorsque le dispositif est stable, entrée et sortie d’eau se compensent (la température est constante).
N.B. : Dans cette analogie, la taille de la vasque serait proportionnelle à la quantité de gaz à effet de serre. Or plus la vasque est grande, plus elle contient d’eau…
Testons nos deux hypothèses
Avec l’hypothèse n°1 : Le surplus de gaz à effet de serre produit par l’homme à la surface de la Terre absorberait plus d’énergie. En conséquence, une part plus faible de l’énergie qui aurait dû réchauffer la haute atmosphère n’y arriverait plus et la température de la haute atmosphère diminuerait pendant que la température de la partie basse augmenterait.
Avec l’hypothèse n°2 : Le rayonnement solaire augmente (plus d’énergie arrive sur Terre). Les couches supérieures de l’atmosphère se réchaufferaient et la partie basse de l’atmosphère se réchaufferait également puisque une partie de cette lumière traverserait toute l’atmosphère et atteindrait le sol.
En d’autres termes, dans l’hypothèse n°2 le surcroit d’énergie se répartirait sur toute l’atmosphère et toutes les températures augmenteraient alors qu’avec l’hypothèse n°1, il n’y aurait pas de surplus d’énergie, elle serait juste gardée majoritairement par la partie basse au détriment des couches hautes.
Confrontation aux observations
Une étude réalisée en mai 1967 par Syukuro Manabe et son associé Richard Wetherald et récompensée par le prix Nobel de physique en 2021 a jeté les bases de la compréhension du lien entre augmentation des températures à la surface de la Terre, et augmentation des niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.
Syukuro Manabe
(1931)
Richard Wetherald
(1936 - 2011)
Ils ont construit un modèle simplifié de l’atmosphère simulant les effets de l’absorption de l’énergie par le dioxyde de carbone.
Benjamin Santer, climatologue américain, précise : « les récents travaux fournissent les preuves scientifiques les plus convaincantes et les plus solides de l’effet des activités humaines sur le climat. Nous avons changé de manière globale la température de l’atmosphère terrestre et nous pouvons le démontrer sur une courte période, sur seulement trente-sept ans de données satellitaires. En une demi-vie humaine, nous avons fondamentalement changé la structure de température et la chimie de l’atmosphère terrestre. Il est incontestable maintenant que les humains ne sont plus des spectateurs innocents dans le système climatique. Il est donc impératif de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de protéger les générations futures des graves dommages que nous risquons de causer si nous continuons sur la voie du statu quo ».
Les courbes de températures ci-dessous correspondent à des mesures réalisées à environ 20 km d’altitude ce qui correspond à une pression de 50 hPa (Basse stratosphère)
Document extrait de la Thèse de Doctorat de l’École Polytechnique - présentée par : Chiara Cagnazzo
Ces 5 courbes montrent une tendance à la baisse de la température de la stratosphère sur 20 ans dans plusieurs régions du globe et par différentes techniques de mesure.
Conclusion
L’hypothèse n°2 est invalidée car elle ne prédit pas la baisse de température observée.
L’hypothèse n°1 est vraisemblable car elle conduit à une prédiction confirmée par les observations.
Nous serions donc bien, comme l'affirme Benjamin Santer, dans une ère géologique dont le climat est en partie sous l'influence de l'homme. C'est le sens du mot Anthropocène.
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