Alors que l’Univers est en expansion selon la loi de Hubble-Lemaitre, la capacité de la Terre à accueillir la vie se réduit à l’inverse comme peau de chagrin. Les changements climatiques et leurs conséquences sur les écosystèmes mettent à mal les conditions d’existence de nombreuses espèces animales et végétales jusqu’à impacter celles des humains. Dans le rapport du Giec paru en mars 2022, la première espèce considérée en péril est la nôtre avec 3,3 à 3,6 milliards d’individus vulnérables.
Mais connaissez-vous la peau de chagrin ?
Auparavant appelée peau de sagrin (du turc sağri qui signifie la croupe d’un animal), il s’agit d’un cuir tanné utilisé en reliure, en maroquinerie ou encore pour couvrir les tambours. Celui-ci a la propriété de s’étendre une fois humidifiée et de rétrécir en séchant. Rien à voir avec la tristesse, et pourtant il a inspiré à Honoré de Balzac l’un de ses premiers romans La peau de chagrin qui renvoie dramatiquement à notre situation actuelle.
Dans ce récit, le jeune Raphaël de Valentin possède une peau de chagrin dont le pouvoir est d’exaucer ses vœux. Mais chaque désir exaucé fait diminuer la taille de cette peau qui incarne le temps de vie restante du héros. En connaisseur de l’âme humaine, Balzac ne lui offre pas une fin enviable pour avoir trop demandé.
Les énergies fossiles représentent la peau de chagrin de l’Humanité. Leur combustion produit une énergie indispensable à nos activités et nos modes de vie contemporains mais rejette dans l’atmosphère du dioxyde de carbone qui contribue au réchauffement climatique. En passant de 280 ppm (parties par million) en 1850 au début de l’ère industrielle à 400 ppm aujourd’hui, le CO2 a fait augmenter la température moyenne de la Terre de 1,15°C. Et ce réchauffement s’accélère…
Aujourd’hui, près de 80 % de la consommation mondiale d’énergie est d’origine fossile. Nous n’avons pas encore atteint le pic d’exploitation des hydrocarbures en raison de la recherche et de l’exploitation de nouveaux gisements (offshore profond, fracturation hydraulique, sables bitumineux, etc.). Même une fois celui-ci atteint, la décroissance des émissions de gaz à effet de serre ne se fera que progressivement. En conséquence, plus le pic sera tardif, plus le réchauffement climatique sera important pouvant même dépasser 6°C s’il intervient après 2050. Par comparaison, l’écart le plus important entre les périodes glaciaires et interglaciaires passées a été de 5°C au maximum.
Pourtant, la population humaine, comme ses besoins énergétiques, continue d’augmenter inexorablement. Et comme le héros balzacien de la Peau de chagrin, l’Humanité consomme toujours plus d’énergies fossiles, produisant des gaz à effet de serre qui réduisent d’autant la capacité de la Terre à accueillir la vie. Comme le disait Jean-Jacques Rousseau « Nos âmes se sont corrompues à mesure que nos sciences et nos arts se sont avancés à la perfection. » (Discours sur les sciences et les arts, 1750). Saurons-nous réagir et modérer nos appétits énergivores pour que le sort de nos descendants diffère de celui du malheureux Raphaël de Valentin ?
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