Bruno CHEVILLEY, au Moulin de Maublanc de Chauvirey le châtel (15 kms de Jussey 70), est un céréalier qui a osé changer de chemin professionnel.
BTS d’exploitant agricole en poche, il reprend la ferme de ses parents, en arrêtant l’élevage animal pour ne se consacrer qu’aux céréales. Mais après de longues années d’exercice, il ne se reconnait plus dans ses méthodes de travail. Il doit labourer toujours plus et utiliser toujours plus d’engrais, pesticides, herbicides, fongicides…diminuant dangereusement son maigre revenu. Sa sœur est intolérante au gluten et sa fille le devient. Il se décide à entreprendre sa conversion en exploitation biologique.
Il
cherche des variétés anciennes de graines, non améliorées, comme ce blé
très ancien trouvé en Autriche. Il rencontre les deux seuls exploitants
l’utilisant en France. Il sème ce blé de norme boulangère très robuste,
ayant la particularité d’être très pauvre en gluten (moins de 100mg/kg,
taux contrôlé tous les ans).
Son
rendement est très faible,3 tonnes à l’hectare (8t le blé
conventionnel). Le bio se vend plus cher, il est subventionné quelques
temps par l’état, mais il faut trouver ses propres lieux de vente. La
production de légumineuses est aussi aidée, plus longtemps.
Mr Chevilley sème simultanément soja, tournesol, avoine, quinoa, pois jaune et sarrasin.
Ses engrais verts sont la féverole et la luzerne. Elles absorbent
l’azote de l’air et le diffuse au sol par leurs profondes racines qui
ameublissent la terre. Elles freinent les adventices et résistent bien
aux maladies. Le blé et la féverole sont semés ensemble en automne. La
féverole couvre les terres en hiver puis est couchée au printemps pour
faire un apport d’azote et une protection au blé. La luzerne est plus
intéressante encore.
Des études de l’INRAE ont montré qu’elle favorisait le développement des
vers de terre et autre mésofaune du sol. Ses racines très profondes lui
permettent de résister aux canicules. De plus, elle attire un grand
nombre d’insectes et de pollinisateurs, donc d’oiseaux. Elle fleurit en
été et apporte de la nourriture aux abeilles qui n’en n’ont plus
beaucoup à cette période-là.
C’est donc un cercle très vertueux :
- Apport d’azote + activité de la faune du sol = bon développement de la plante
- Plus d’insectes pollinisateurs = plus de rendement
Macération d’orties et biodynamie sont utilisées, les semences proviennent de la récolte de la saison précédente.
Mr
Chevilley s’est équipé d’une trieuse à grains, d’une décortiqueuse et
surtout d’un moulin de meules en pierre Astrié pour faire la farine.
Très performant, il permet d’extraire 80% de la graine en un seul
passage. Toutes les qualités de celle-ci sont préservées, sans l’oxyder,
sans la chauffer.
Il fait une farine de sarrasin d’une qualité exceptionnelle, très peu chargée en son.
Les semences conventionnelles sont sans cesse « améliorées », surtout pour favoriser la vente de produits phytosanitaires. Mais leur teneur en gluten finit par atteindre de tels niveaux (très confortables pour l’industrie alimentaire) que de plus en plus de personnes deviennent allergiques voir intolérantes au gluten, notamment les enfants et les sportifs. Les intestins et le système immunitaire sont gravement endommagés, favorisant d’autres pathologies avec pour conséquence la contrainte nécessaire et absolue de changer son alimentation.
Les
céréales et les légumineuses biologiques sont très protéinées, elles
nous apportent différents nutriments nécessaires au bon fonctionnement
de nos cellules. Elles permettent une diminution de notre consommation
de viande.
Une alimentation riche en fibres et produits fermentés (pain au levain, fromage au lait cru…) va nourrir et enrichir notre microbiote, qui nous aidera à lutter contre certaines maladies et microbes indésirables. Il est préférable de choisir des aliments artisanaux et fermiers, plutôt qu’ultra transformés et saturés d’additifs des usines agroalimentaires.
Mr Chevilley a enfin un revenu convenable. Il salarie sa compagne pour le conditionnement et les livraisons, ainsi que sa sœur pour la commercialisation. La transformation des anciennes écuries en magasin de vente de produits locaux est en cours. La pose de panneaux photovoltaïques est envisagée. Il s’est jeté dans l’incertain, en changeant toutes ses méthodes, en se formant à d’autres savoirs faire. Pas de chimie, très peu de labour, peu de passages donc moins de gasoil consommé. Respect de la biodiversité : ses 120 hectares de terres s’améliorent d’année en année. Il essaie, non sans difficulté, de convaincre ses collègues voisins à changer leurs pratiques. Ceux-ci commencent tout de même à être intrigués par ce blé qui a si bien résisté aux chaleurs de 2020 et 2022 mais aussi aux excès de pluie de 2021, sans maladie et à qualité et rendement maintenus.
La
ténacité de Bruno Chevilley est exemplaire et encourageante. Elle nous
démontre qu’une autre agriculture est possible, offrant une belle
qualité nutritionnelle, une préservation de la biodiversité, une
maitrise des coûts, ainsi qu’une valorisation intellectuelle et
financière de l’exploitant.
Contribution de Dominique Maillot groupe Bio-diversité et Santé Club Climat Grand-Besançon