Microbiote et sol terrestre : similitudes

Le corps humain est composé de plusieurs microbiotes, buccal, orl, cutané, vaginal, mais le plus important est le microbiote intestinal. Localisé dans le colon et un peu dans l’intestin grêle, il est composé de plus de 100 000 milliards de micro-organismes (10 x plus que nos cellules). Ce sont essentiellement des bactéries (+ de 1000 espèces et 160 différentes par individu), des levures, des champignons non pathogènes, des parasites, d’une masse d’environ 2 kilos, travaillant ensemble.

Les théories pasteuriennes ont permis de bien faire régresser les pathologies infectieuses mais paradoxalement les maladies inflammatoires, les allergies, le diabète et autres maladies auto-immunes ont explosé. La mise au point du séquençage haut débit du matériel génétique, a récemment permis d’analyser l’énorme quantité des micro-organismes composant le microbiote intestinal. Il est combiné à des analyses métabolomiques et lipidomiques, qui permettent d’identifier les substances produites par cet écosystème. Les scientifiques décrivent de plus en plus finement, la nature des interactions hôte-microbiote, celles des micro-organismes entre eux et leur incidence sur le fonctionnement de l’organisme. Cette science n’est qu’au début, beaucoup de liens restent à découvrir.

Le microbiote intestinal est maintenant considéré comme un organe à part entière. Il se nourrit de fibres alimentaires et assure :

  • l’assimilation des nutriments grâce à un ensemble d’enzymes

  • la décomposition chimique (par fixation de l’eau) de l’amidon, des polysaccharides et de la cellulose

  • la synthèse des vitamines et acides aminés

  • l’absorption des acides gras, calcium, magnésium. Il dialogue avec le cerveau pour l’adaptation de l’appétit et de la glycémie et la régulation de notre poids.

Il a un effet barrière essentiel dans la lutte contre les bactéries pathogènes (qui tentent de coloniser l’intestin), en produisant des substances bactéricides. 67% de nos cellules immunitaires sont dans l’intestin. Il se constitue à la naissance jusqu’à l’âge de 3 ans. Age auquel il est mature et a construit son répertoire d’anticorps et sélectionné les bactéries à garder et celles à éliminer. Il est unique à chaque personne, avec quelques parties communes. Il perd de sa diversité avec l’âge.

Les facteurs perturbant son équilibre sont d’ordre :

  • alimentaires : certains additifs, le carboxyméthylcellulose CMC émulsifiant plat industriel, régimes trop gras sucrés sans fibres, aliments pro-inflammatoires comme les viandes rouges, charcuteries, sucres raffinés, aliments carbonisés, alcool.

  • infectieux : gastroentérite

  • environnementaux : exposition insuffisante aux pathogènes pendant l’enfance, traitements antibiotiques répétés détruisant les bonnes et les mauvaises bactérie et générant de l’antibiorésistance.
    Les pesticides!

On retrouve un déséquilibre en quantité ou qualité des micro-organismes dans nombre de maladies avec une vulnérabilité aux pathologies infectieuses, immunitaires, métaboliques, inflammatoires. Des troubles digestifs (ballonnements) s’installent et peuvent conduire à d’autres plus chroniques (maladie de Crohn, recto colite hémorragique, maladie cœliaque, diabète type2, cancers dus à une perméabilité intestinale permettant le passage de composés les favorisant et perturbant notre immunité …).

Des liens ont été établis entre l’altération du microbiote et des troubles psychiques comme les troubles de l’humeur ou la dépression. De même pour les maladies neurodégénératives par la surconcentration d’une certaine espèce de bactérie (Parkinson, Alzheimer). L’Institut Pasteur en 2015, a prouvé que la présence de microbes dans la flore intestinale, bloquait spécifiquement les cellules immunitaires responsables du déclenchement des allergies. Rôle très intéressant quand on sait que 80% des asthmes sont d’origine allergique. L’OMS estime qu’en 2050, la moitié de la population mondiale sera allergique.

L’alimentation est le facteur essentiel de la santé du microbiote intestinal avec un régime riche en :

  • fibres végétales présentes dans les fruits, légumes, légumineuses, céréales complètes, algues…qui nourrissent nos bonnes bactéries

Préconisé :

30gr/jr/pers = 1 entrée crudités = 3 gr 1 fruit = 3gr

1 portion lég cuits= 5 gr 1 portion lég secs = 10 à 14 gr

1 portion riz complet = 2.6 gr 3 à 4 pruneaux secs 2.5 gr

1 poignée d’amandes = 4 gr

  • antioxydants fraise myrtille framboise, fruits secs, thé vert, chocolat noir…

  • aliments riches en probiotiques naturels : les lactofermentés tels yaourt …, kéfir, soupe miso, pain au levain, choucroute, camembert, roquefort, gouda…olives et cornichons au vinaigre …

Frais et de saison !

L’activité physique régulière telle que recommandée par l’OMS, a un effet bénéfique sur la diversité et la richesse de notre microbiote intestinale, à contrario le sport professionnel est perturbant.

Les prébiotiques, probiotiques et post biotiques du commerce, peuvent aider à la reconstitution du microbiote sous forme de traitement adapté aux spécificités individuelles de la personne en sélectionnant des souches bactériennes précises.

L’INRAE a lancé un projet collaboratif « Le french Gut », le 15.09.2022. Il sera une contribution au projet mondial « Million Microbiomes of Humans »

Joel Doré, son coordinateur scientifique dit : « Les humains sont microbiens, nous sommes des écosystèmes et des symbioses homme-microbes. Une ample référence des microbiomes de nos concitoyens français est vraiment essentielle pour faire avancer la science, dans un domaine qui préparera l’avenir de la nutrition préventive, de la médecine de précision de l’homme microbien. Cela aidera à concevoir de nouveaux outils de diagnostic et des traitements innovants pour nombre de maladies dont l’incidence augmente depuis près de trois générations. »

DES SIMILITUDES AVEC LE SOL TERRESTRE…

La vie grouille sous nos pieds !

La terre de notre sol est constituée d’une petite faune considérable, allant de multiples micro-organismes, passant par les vers de terre jusqu’aux mulots et autres. Un m2 de forêt contient plus de 1000 espèces d’invertébrés et un hectare de 1 à 5 tonnes de vers. Tout ce petit monde, dans sa strate de terrain qui lui est propre, inlassablement, détruit, digère, déplace les matières organiques, l’humus et autres cadavres ; aère le sol, brassent les éléments minéraux, argile, sable. Ce substrat va nourrir tous les arbres, arbustes, fruitiers, plantes, légumes. Cette minuscule faune facilitera l’action des bactéries et champignons. Ces derniers sont essentiels aux végétaux car ils leurs apportent l’eau et des sels minéraux par leur système racinaire gigantesque (mycélium), dont ces végétaux ne pourraient jamais bénéficier avec leurs propres racines. En symbiose, les champignons se nourrissent par ces végétaux vivants qui leurs apportent sucre (par la photosynthèse) et oxygène. Mais certains sont néfastes et peuvent parasiter leur hôte. Ce fonctionnement ressemble à celui du microbiote intestinal et de ses bactéries et champignons, les déséquilibres aussi.

Un sol retient correctement l’eau s’il est régulièrement enrichi de l’humus des végétaux qui poussent dessus. L’urbanisation et l’agriculture intensive ont détruit haies et arbres, qui fournissaient l’ombre, l’humus, les pollinisateurs et les prédateurs des insectes néfastes aux récoltes. Les pesticides ont tué une grande partie de la faune du sol et hors sol et les fongicides, tous les champignons. Les engrais, à long terme, ont déséquilibré la constitution du sol et n’arrivent plus à compenser les pertes de rendement dues à l’appauvrissement de ce sol. L’eau ruisselle, pénètre peu, n’est plus retenue donc ne s’évapore plus localement. Nous devons préserver les derniers terrains humides vivants.

Rappelons que le sol nous alimente, nous habille en produisant les fibres de nos tissus, et filtre notre eau avant qu’elle n’arrive dans les réserves souterraines. 70% de nos antibiotiques sont issus de champignons et bactéries du sol. De plus il stocke une grosse quantité de carbone.

Si nous voulons préserver notre santé, nous devrons nous nourrir d’aliments variés, riches en fibres et vitamines, si issus d’un sol riche et sain lui-même. Il est donc urgent de reconstituer nos terres en replantant haies et arbres issus de graines sauvages récoltées localement. Le changement climatique va nécessiter des adaptations, un suivi et un soutien par des apports naturels. Notre autonomie alimentaire territoriale n’est que de 2 %. L’agriculture intensive n’apportant pas la qualité nécessaire, il est donc impérieux de soustraire de l’urbanisation de nombreuses parcelles qui seront destinées au maraîchage et fruitiers pour les habitants locaux.

Nous ne vivons pas à côté de la nature. Nous avons besoin de sa biodiversité et elle est présente en nous, dans nos microbiotes. Toute cette vie, ses écosystèmes et symbioses ne pourront être préservés sans nos soins vigilants.

Quels projets pourraient être initiés par notre Club Climat ? …Unis pour agir !

Dominique Maillot

Une autre agriculture est possible
La représentation d'un possible tout près de chez nous